Tricastin : les fuites ont laissé des traces dans le web gratuit

, par Aurélie Herbiet

Tous les articles de la plupart des grands quotidiens et hebdomadaires nationaux consacrés à l’incident, à l’exception du Monde, sont encore accessibles sur leur site. Un exemple : les articles disponibles sur Libération.fr.

Le 9 juillet, le journal reprenait une dépêche de l’AFP, laquelle offrait les points de vue de plusieurs acteurs concernés : l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’ONG Sortir du nucléaire, et la Criirad, organisme né au lendemain de Tchernobyl et qui réalise des mesures indépendantes. Le responsable du laboratoire d’analyse, Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, était le même jour interviewé par Libération. Une équipe de son laboratoire était alors sur le site du Tricastin pour faire des prélèvements, et il annonçait déposer plainte contre deux exploitants du Tricastin, tous deux filiales d’Areva. Il dénonçait le flou quant au moment exact auquel avait eu lieu la fuite et s’alarmait des 2 milliards de becquerels rejetés lors cette fuite d’uranium en partie sur le sol et dans la rivière la Gaffière.
Le lendemain, la journaliste Laure Noualhat titrait : Fuite aux « conséquences négligeables » au Tricastin en raillant les communiqués des autorités nucléaires, qu’elle résumait ainsi « Tout va bien mais ne vous approchez pas ». Dans son blog, consacré à l’environnement, la journaliste dévoilait que la Socatri, filiale d’Areva, n’en était pas à son premier manquement et qu’elle était régulièrement rappelée à l’ordre pour des dépassements de rejets en carbone 14, par exemple. Elle montrait par ailleurs que l’incident Socatri tombait à point nommé pour les opposants au nucléaire qui devaient se rassembler la samedi suivant à Paris puisqu’une fois encore, le talon d’Achille de cette industrie, la sûreté, était touché.

Le 17 juillet, Libération donnait la parole à Greenpeace en publiant un entretien avec Frédéric Marillier, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France.
Pour lui, l’incident prouvait que la filière nucléaire n’était pas maîtrisée. Il se félicitait par ailleurs de la décision de Jean-Louis Borloo de faire vérifier les nappes phréatiques près de toutes les centrales nucléaires françaises, et de saisir le Haut-Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire afin que toute la transparence soit faite sur cet incident.
Cependant, les mesures du gouvernement lui semblaient relever plus d’une réponse à la pression médiatique que d’une prise de conscience.

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Site du Tricastin. Source : Libération

Enfin, le 25 juillet, le quotidien de Laurent Joffrin annonçait que les gendarmes de l’Office central de la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) avaient effectué une perquisition à l’usine de retraitement Socatri sur le site du Tricastin le 11 juillet, soit trois jours après la déclaration par la direction de la fuite de 74 kg d’uranium. Les gendarmes avaient également perquisitionné le siège de l’Autorité de sûreté nucléaire de Lyon, dont dépend le site du Tricastin, pour une réquisition. Si le quotidien ne fournit ensuite aucune information consécutive à ces perquisitions, Laure Noualhat revient le 10 septembre sur le sujet de la sûreté nucléaire, tout en filant la métaphore du conjoint volage : « On se doute de ses incartades mais on préfère ne rien savoir, sinon c’est le divorce assuré ». Elle souligne que depuis l’incident de juillet : « l’industrie nucléaire fait régulièrement état de ses écarts, incidents et autres anomalies qu’elle prend soin de qualifier d’anodins ». L’article signale que selon l’ASN, 840 événements ont été répertoriés en 2007, plus d’un par jour, dont 86 classés niveau 1 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines). Le niveau 1 qualifie une « anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé », comme ce qui s’est produit en juillet. Cette échelle Ines, selon Mycle Schneider, consultant sur les questions nucléaires auprès des Verts européens et du Congrès américain, « ne donne aucune indication sur le risque potentiel de l’incident ». Pendant ce temps, conclut la journaliste : «  la population française (…) ne demande toujours pas le divorce  ».