La Aubry et la Royal.

, par Barbara Acquaviva-Nello

Une femme à la tête du PS français ! Si les italiens soulignent fréquemment ce fait notable, c’est surtout l’opposition de deux personnalités et de deux visions politiques dans un parti déchiré qui prévaut dans la presse transalpine de ces derniers jours.

Entre le Congrès de Reims et la désignation officielle du premier secrétaire du parti Socialiste français, certains journaux italiens, surtout ceux classés à gauche et au centre, se sont longuement penchés sur ce scrutin interne. Si Il legno storto pense qu’il s’agit là d’une sorte de primaires anticipées en vue des présidentielles de 2012, beaucoup d’autres s’accordent pour y voir l’enjeu de l’orientation de la politique interne du PS.

JPEG - 13.4 ko
Martine Aubry et Ségolène Royal

Un affrontement de femmes, soit, mais surtout une lutte de personnalités et des visions diamétralement opposées, sous-tendues par un combat d’appareil. Pour Alberto Toscano (Il Giornale. 22/11/08), « les éléphants sont partis à la chasse à la Ségolène Royal ». et Bernardo Valli, en Une de La Repubblica, souligne l’existence d’un front TSS (Tout sauf Ségolène) qui compte dans ses rangs tout ce que le parti socialiste fait de lourd : anciens premiers ministres, maires de grandes villes, anciens hiérarques du parti plus ou moins déchus, et même le président d’une grande instance internationale... De « l’antieuropéen Fabius » au « libéral » Delanoë, tous sont derrière Martine Aubry pour faire barrage à une rénovation du PS qui ferait la place aux jeunes, toujours selon Il Giornale. Avec Aubry, les éléphants se sentent en sécurité, elle leur laisse encore de l’espace pour la présidentielle de 2012, analyse La Repubblica. Même le site officiel du Parti Démocrate italien voit dans les scrutins du 20 et du 21 novembre un « référendum pour ou contre Ségolène », ce « corps étranger » que les éléphants voudraient faire taire pour clore enfin le chapitre de la présidentielle de 2007 (La Repubblica).

Deux visions, deux modes de fonctionnement.

Cependant, il s’agit bien d’élire une personne et de désigner comme ligne politique les idées qu’elle représente. Et là, la presse italienne est unanime, les adjectifs fleurissent au détour des articles : Martine Aubry est austère, rigide, directe, Ségolène Royal est atypique, iconoclaste, trop glamour et j’en passe. Martine Aubry serait prête à repartir dans une aventure d’union de la gauche post-Mitterrandienne, Ségolène Royal à s’ouvrir aux formations centristes, notamment au Modem de Bayrou. Mais surtout, et c’est là ce qui intéresse tout particulièrement les italiens, elles ont une conception différente de ce que devrait être un parti. Martine Aubry est une femme d’appareil, Ségolène Royal est une femme qui s’accommoderait bien d’une formation de masse populaire, d’après Giampiero Martinotti (la Repubblica, 21/11/08). Sergio Bagnoli (Il legno storto, 21/11/08) décrypte pour ses lecteurs les parallèles que l’on pourrait faire avec le Parti Démocrate italien : nous sommes en présence de « deux conceptions différentes de l’organisation qu’un parti de gauche moderne devrait avoir à l’intérieur des démocraties évoluées du monde d’aujourd’hui ».

JPEG - 5.7 ko
Ségolène Royal en meeting

Comme Walter Veltroni, le maire de Rome, l’ex-candidate à la présidentielle voudrait un parti «  léger », « fluide », où les sympathisants formeraient une base solide et non contrainte pour un leader (charismatique de préférence...), un parti qui, comme aux Etats Unis, pourrait porter un homme ou une femme aux plus hautes fonctions à la force d’un élan populaire. A l’opposé, et comme D’Alema en Italie, Martine Aubry reste fidèle aux modèles européens traditionnels, hiérarchisés, avec militants encartés et direction centrale verrouillée.

JPEG - 6.9 ko
Martine Aubry

Et Giampiero Martinotti de démontrer, à travers le prisme du PS, que les modes de désignation interne des leaders du Parti Démocrate sont conçus de manière à laisser une « caste » décider, d’autant qu’en Italie, outre le fait que, comme en France, seuls les possesseurs d’une carte votent, le scrutin ‘très’ indirect produit une ‘Direzzione Metropolitana’ (direction centrale du PD) désignée par 0,1% des militants. Le PS, miroir du PD ? Il ne reste plus aux Italiens qu’à trouver leurs deux dames...